Comment l’agilité peut aider à se libérer de la tyrannie du mode urgence ?

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Au milieu des organisations d’entreprise et des différents niveaux de dysfonctionnement que nous rencontrons comme coachs-formateurs, lors de formations ou d’interventions, il existe un sujet de plus en plus présent dans de nombreuses organisations. 

Ce puissant dénominateur commun occupe une place centrale dans le panel statistique que je considère ici. Celui-ci est constitué de divers participants croisés au fil de plus de dix années de formations dispensées chez Smartview.  

Il s’agit de ce que l’on appelle « le mode urgence ». Nous verrons ensuite comment l’agilité peut aider à se libérer de la tyrannie du mode urgence.

Le « mode urgence », quésako ? 

Il s’agit d’un mode de fonctionnement en urgence, non justifié par une urgence objective. Et qui est devenu un mode nominal. 

Pour être tout à fait clair, définissons d’abord ce qu’est une urgence. 

Une urgence objective relève à la fois de l’imprévisible et de l’important. Un accident cardiaque et une grosse opportunité business ont trois caractéristiques communes. C’est-à-dire, un évènement déclencheur soudain et/ou aléatoire, la nécessité objective d’une action/décision rapide, et des enjeux importants, voire critiques. 

Or, il arrive de plus en plus souvent de voir la gestion des affaires quotidiennes traitées comme le seraient de vraies urgences. Outre une possible réduction du temps de traitement, ce « mode urgence » amènera du stress, de la désorganisation, une moindre maitrise de la qualité en découlant. Cet hypothétique gain de temps immédiat risque de coûter de futurs ralentissements. 

Intéressons-nous un instant aux spécialistes de l’urgence, par exemple les pompiers ou les réanimateurs. Ils sont rompus à une bonne gestion de l’urgence, et ont des modes d’organisation adaptés à ce contexte particulier. 
 
Imaginons une ligne de partage entre les métiers de l’urgence et les autres métiers. Il est intéressant de noter que le « mode urgence » prend en réalité le pire des deux mondes

  • L’urgence, prise dans l’univers de l’urgence réelle (mais sans les ressources d’organisation adaptées pour la gérer) ; 
  • Les modes d’organisation ne relevant pas de l’urgence. 

Comment se manifeste le mode urgence ? 

En entreprise, ce « mode urgence » se manifeste par le constat des opérationnels de « ne pas avoir le temps de traiter tous les sujets », ou « ne plus avoir le temps de bien les traiter ». 

Factuellement, cela peut se traduire à plusieurs niveaux. Typiquement, on retrouvera le plus souvent : 

  • En termes de processus : des temps d’attentes excessifs de traitement, et beaucoup de travail « stocké », qui est en attente ; 
  • En termes de résultats : des « loupés » ou un niveau de qualité déficient, de l’insatisfaction client, et à terme une perte de clients ou des pénalités ; 
  • Et sur le plan social : des personnels démotivés, voire épuisés, avec davantage de turn-over (ou d’accidents du travail, d’arrêts-maladies…). 

Au-delà de ces symptômes, l’accumulation de problèmes finira au bout d’un moment par être telle que la situation paraît tout à fait inextricable

À l’arrivée, il semble qu’il n’existe aucune solution devant ces dysfonctionnements qui s’alimentent les uns les autres. Dans un autre article, nous verrons une illustration de ce mode urgence chez un éditeur logiciel. Le corolaire existe en dehors du développement logiciel avec la dette organisationnelle. 

Y a-t-il un remède simple au mode urgence ? 

Oui.  

Devant cet embrouillamini de problèmes, on pourrait être tenté de penser que non. Alors que la solution est facile à trouver, et si l’organisation s’en donne le courage, elle est accessible et praticable. 

Les causes du mode urgence résultent en effet d’un mécanisme simple. C’est l’existence d’un écart significatif et stable entre le niveau de ressources et le niveau de charge de travail

Le remède ne peut porter que sur deux axes. 

L’axe de solution le plus évident est d’augmenter le niveau de ressources. Pourtant, cet axe de solution devant plutôt être recherché dans un second temps. C’est-à-dire une fois l’autre axe correctif exploré, s’il s’avère que c’est le seul moyen permettant de retrouver un fonctionnement efficace. 

L’autre axe de solution est de diminuer la charge de travail. Ce qui est généralement difficile ou impossible en l’état pour les opérationnels. 

Au niveau des équipes opérationnelles, la seule marge de manœuvre potentielle est celle des améliorations processus significatives. Selon les contextes, il y aura là un gisement plus ou moins important. 

S’il n’y a pas de gains significatifs à attendre d’améliorations processus, comment l’équipe opérationnelle pourrait-elle réduire sa propre charge ? 

Le seul moyen de réduire une charge est… de la réduire. Cela nécessite d’accepter de renoncer : par exemple, renoncer à lancer autant de projets que l’on voudrait sur une période donnée. 

Cette renonciation implique une décision managériale, découlant d’arbitrages entre les enjeux stratégiques de l’organisation. 

Gageons que si l’organisation rencontre ce genre de problème, c’est justement du fait de sa difficulté à décider et à renoncer. C’est là que l’agilité amène des ressources utiles pour débloquer cette situation. 

Les ressources agiles 

Le premier niveau d’action est le niveau stratégique. Cette priorisation va se réaliser en s’appuyant sur des outils typiques des projets agiles. Ces outils permettent de clarifier la vision, d’aiguiser et de faciliter la priorisation de haut niveau. 

Le story mapping

Prenons l’exemple du story mapping stratégique et des outils de priorisation. Ils permettront par exemple de visualiser les hiérarchies entre différents produits et leurs horizons temporels respectifs de réalisation. 

Ces outils de clarification au niveau de la direction de l’organisation sont aussi des outils de communication opérationnelle efficace. Ils sont extrêmement performants. Ils sont visuels et réduits au minimum : ils montrent l’essentiel, et le lien avec la vision et les priorités stratégiques. 

Ainsi, le story mapping stratégique permet de donner une direction claire et réaliste au reste de l’organisation. 
 
L’organisation va ensuite décliner ces priorités stratégiques. Le responsable d’un produit (un Product Owner dans un contexte Scrum) va réaliser son propre story mapping produit

Dans la mesure où un story mapping est une représentation visuelle, le processus de cascade entre ces différents niveaux de planification (ici, les niveaux portfolio et produit) est extrêmement efficient. 

Le story mapping donne une direction claire, et facilite les arbitrages. Cela aide à sortir du mode urgence car l’organisation arrête de fonctionner en surcharge permanente. Elle a les moyens de se focaliser sur les objectifs les plus importants pour créer de la valeur.  

Cette simplification et cette focalisation vont apporter de l’efficacité. 

Autres outils agiles

D’autres outils agiles seront utiles pour les mêmes raisons, tels les outils reposant sur le feedback ou l’approche centrée utilisateur. 

Ces outils ne peuvent donner leur pleine efficacité qu’avec une compréhension pleine des valeurs portées par l’agilité. 

Cette culture agile repose sur le courage au sein de l’organisation. Le courage (1) renvoie ici à la capacité des différents composants de l’organisation à autoriser la remise en cause du statu quo. Il permet des changements de cap salutaires et à tirer les leçons du passé et du présent. 

Il s’agit alors de développer la capacité de l’organisation à accepter l’erreur pour la dépasser, à autoriser la réversibilité, à développer une culture du questionnement radical de la création de valeur. 

Ces outils sont utiles, sinon indispensables, pour lutter contre l’entropie naturelle des organisations. Mais aussi pour le tirer meilleur parti des ressources. Ce sont des vecteurs puissants d’une culture d’entreprise permettant l’innovation. 

En conclusion

Ainsi, un mode de fonctionnement du type “mode urgence” ne résulte pas de situations d’urgence. Il résulte d’un manque de clarification des priorités et de mécanismes efficients de choix. Le mode urgence ne va jamais régler le problème de surcharge. Il va créer de nouveaux problèmes qui vont “endetter” l’organisation jusqu’à réduire sa marge d’action. 
 
À un certain stade, il devient difficile de comprendre comment l’organisation en est arrivée là. Les soi-disant urgences du moment sont incriminées. En fait, c’est la défaillance de processus clés de l’organisation qui est la cause première. Il est vrai que ces pseudo-urgences ont généré de nouveaux dysfonctionnements. Elles ont créé de la dette (technique, organisationnelle). Tout est si embrouillé que les analyses causales tendent à ressembler à la question de l’antériorité de la poule ou de l’œuf. 

À ce stade, une farandole de fausses bonnes idées devrait se succéder afin d’améliorer la situation. Généralement, elles créent de nouveaux problèmes ou apportent de la confusion. Le meilleur exemple est une démarche de réduction des coûts (cost-killing). Cela peut avoir son utilité dans certains contextes, mais sera nuisible dans un contexte de ce type. 

Dans la mesure où les solutions sont simples, il n’est pas exclu que l’organisation arrive à un moment à trouver le courage de résoudre les vraies sources des problèmes, à trouver le courage de changer certains processus sous-jacents viciés, et à retrouver le chemin qui la ramènera vers la création de valeur (2)

(1) Le courage est une valeur de Scrum. 

(2) Ce qui ressemble à un conte de fée existe dans la vraie vie ! Nous rencontrons régulièrement des clients que nous accompagnons dans cette transition. 

Besoin d’aide pour remédier à cela ? 

Si les situations décrites ici vous paraissent familières, ce n’est pas un hasard. Ce sont des situations que nous rencontrons assez communément chez nos clients. 

Le cursus de Product Manager que nous délivrerons cette année en partenariat avec Montpellier Business School est justement là pour cette raison. L’objectif est d’aider à comprendre et corriger certains de ces problèmes, via la mise en œuvre d’une vraie stratégie produit, outillée et supportée par des Product Managers bien formés. Ce cursus est inscrit au Registre National des Certifications Professionnelles (RNCP) et est donc éligible à l’utilisation de votre Compte Professionnel de Formation (CPF). 

Nous organisons un webinaire mardi 8 mars pour échanger avec vous à ce sujet et répondre à vos questions.

Katia BRADTKE

Katia BRADTKE

“En théorie, il n'y a pas de différence entre la théorie et la pratique. Mais en pratique, il y en a une.” Yogi Berra

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